Rendez-vous au Casino Venier
Mon article sur Casino Venier Venise, un livre écrit sous la direction de Marie-Christine Jamet, chez Serge Safran éditeur, 2021
est paru dans la revue QUINZAINES (Lettres, Arts et idées), n° 1240, de novembre 2021
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Mon article sur Casino Venier Venise, un livre écrit sous la direction de Marie-Christine Jamet, chez Serge Safran éditeur, 2021
est paru dans la revue QUINZAINES (Lettres, Arts et idées), n° 1240, de novembre 2021
Je suis le seul déboutS'ils ont encore un doute, je leur demanderais de se rapprocher d'un poste à ondes courtes et de s'abreuver pendant des heures d'affilée des voix nasillardes de stations lointaines, de Macao à Vancouver, en passant par Dakar et São Paulo. Ils pourraient ainsi trouver la porte au bout de la douleur dont parle Louise Glück.
Tous mes amis sont là assis
Ils me sourient
Avec leur beau regard
Car je suis encore en retard
Mais la table
Je ne dis rien
Mais je l'ai bien vue
Mais les quatre pieds de la table
Sont à deux doigts
Au-dessus du sol
Ne pas leur faire de peine
Fermer les yeux
M'asseoir près d'eux (2)
Pour faire un poème dadaïsteAux infos de midi, j'apprends que le virus Covid aurait de nouveau muté du côté de l'Afrique australe et qu'à nos vaccins d'aujourd'hui, il faudra peut-être en ajouter d'autres. J'en conclus que j'écrirai de nouveau au fond de mon lit.
Prenez un journal.
Prenez des ciseaux.
Choisissez dans un journal un article ayant la longueur que vous comptez donner à votre poème.
Découpez l'article.
Découpez ensuite avec soin chacun des mots qui forment cet article et mettez-les dans un sac.
Agitez doucement.
Sortir ensuite chaque coupure l'une après l'autre.
Copiez consciencieusement
dans l'ordre où elles ont quitté le sac.
Le poème vous ressemblera. (3)
Comme tu es apparu à Moïse, c’est parce quej’ai besoin de toi que tu apparais face à moi (4)
Pas je, espèce d'idiot, pas moi, mais nous, nous - vaguesde ciel bleu commeune critique du paradis : pourquoichéris-tu ta voixalors qu’être unéquivaut à n'être presque rien (6)
"Des saveurs et des livres" au Bazar de St Martin en Vercors,
par Geneviève Briot
Du 6 au 12 août 2021 était organisé le Bazar de St Martin en Vercors, à l'initiative de la Cie Cyrène, avec Michel et Jacotte Fontaine : musique, théâtre, danse, lectures, film et chants au fil de la semaine sur le thème Le pain dans tous ses états.
Nous les Colporteurs, André et Geneviève, avec Naïs, nous présentions une lecture Des Saveurs et des livres, un menu différent chaque jour. Nous étions dans la rue, sous le regard bienveillant de Raymond et Ginette, nos voisins de porte. Nous affichions des poésies comme d'autres accrochent leur lessive, montrant ainsi nos dessous les plus intimes, les poésies qui nous collent à la peau. Les cailloux peints et les tissus poèmes de Naïs montraient le chemin de la place jusqu'à nous.
Nous présentions nos derniers ouvrages : Un lit dans l'océan, le lien entre une mère et son fils ponctué de saveurs orientales, D'azur et de feu où Josette l'héroïne croque la vie à belles dents.
Ces extraits étaient ponctués de poèmes de Blaise Cendrars, Mahmoud Darwich, Guillevic, Pablo Neruda, François Cheng, Alain Borne, Paul Vincensini, Jean-Louis Novert et autres boulangers et pâtissiers des mots.
Avec les Touaregs, nous avons fêté l'eau : "Annoncez que l'eau doit être partagée, annoncez-le à tous les peuples de la terre", tout en accueillant Omar Khayam venu de la Perse du XIIe siècle pour célébrer le vin.
Notre table était ouverte à tous. Bernard Vandewièle est venu parler de son livre Brigitte l'œuvre à vif, Juan Antonio Martinez a slamé accompagné par Esteban au saxophone, Marie a chanté un poème de Victor Hugo, Cécile a dit La lionne de Jacques Prévert…
Dans cette période de pandémie où nous avons été privés de lectures publiques, ce fut un plaisir de partager avec des personnes réellement présentes.
Lettre d'un colporteur-liseur N°32
"De la trempe des Hurlants" de André Cohen Aknin
Les textes cités sont tirés de "Tragédie d'une trajectoire", un CD de Casey
C'est à Saint-Martin-en-Vercors que j'ai découvert Casey. Le casque sur les oreilles et la main sur l'écorce d'un tilleul de 423 ans, j’écoute Tragédie d'une trajectoire. Sa voix me prend aux tripes, aux bras, aux boyaux - côté foie. Elle m'emmène dans les méandres d'une langue nouvelle pour moi.
CONNAIS-TU LE CHARBON, LA CHABINE
LE COULIS, LA PEAU CHAPÉ, LA GROSSE BABINE
LA TÊTE GRÉNÉ QU'ON ADOUCIT À LA VASELINE
ET LE CRÉOLE ET SON MÉLANGE DE MÉLANINE
CONNAIS-TU LE MORNE ET LA RAVINE
LE BÉKÉ QUI TRÈS SOUVENT TIENT LES USINES
LA MACRELLE QUI PASSE SON TEMPS CHEZ LA VOISINE
ET LE CRACK ET SES DÉCHETS DE COCAÏNE
CONNAIS-TU LE MONT PELÉ ET LA SAVANE
LES PÊCHEURS DU CARBET, LE POISSON DE TARTANE
LES TOURISTES AUX SEINS NUS À LA PLAGE DES SALINES
PENDANT QUE LA CRISE DE LA BANANE S'ENRACINE
CONNAIS-TU FRANTZ FANON, AIMÉ CÉSAIRE
EUGÈNE MONA ET TI EMILE
SAIS TU QUE MES COUSINS SE FOUTENT DES BAINS DE MER
ET QUE LES COCOTIERS NE CACHENT RIEN DE LA MISÈRE (1)
Du rap français. D'habitude, je suis plutôt attiré par Fauré, Haendel, Mozart, Alla un musicien de Béchar, Reinette l'Oranaise. La scansion est celle d'un tambour d'une île lointaine ou bien celui d'une vallée africaine - en direct. J'entends le noir de la peau, sa lumière et ses rimes en o.
Je parle au tilleul, lui demande si ce genre de musique le dérange. Il me répond qu'il en a vu d'autres, ses racines traversent les océans, plongent dans les caves, les arrière-salles de bistrots, les terrains vagues, les squats, elles sondent la terre et les corps.
L'arbre a oublié les mots de ceux qui sont venus lui parler d'amour, mais jamais de ceux qui lui ont parlé de révolte ; il a connu la résistance face aux nazis, les famines, 1789, Napoléon, la création de la République, la révolte de 48. Lui, tilleul, né de la volonté de Sully, à l'époque de Montaigne, m'a aussi parlé des déportés en Nouvelle Calédonie après la Commune de 70, du Vel d'Hiv et d'Alexandre Marius Jacob, l'anarchiste qui volait les riches pour donner aux pauvres.
Avec lui, je comprends que le rap est une voix du peuple qui monte quand la douleur est grande, une voix d'outremer, d'outrecœur, d'outrepeau, comme existent les Outrenoirs de Pierre Soulages.
Le noir possède toutes les couleurs.
Casey est une femme de la trempe des Hurlants, ces vents qu'on rencontre sous les cinquantièmes. Pas besoin de naviguer sur les mers du Pôle Sud. La tempête est ici dans nos rues.
ILS VEULENT, ILS VEULENT
ILS PARLENT, ILS PARLENT
ILS OUVRENT LEURS GUEULES
QU'ILS ME LAISSENT TRANQUILLE, PUTAIN J'EN AI RAS LE BOL
DE CES FAUX VANDALES, VANTARDS, FORTS EN PAROLE
ILS ME GÊNENT, POMPENT MON OXYGENE (2)
Vrai, c'est fou ce que les gens parlent, veulent ! Y a en même qui ont l'idée de remettre la poésie au programme des Jeux Olympiques.
Pas besoin de chercher la médaille.
D'autres disent que la poésie est une arme ? Contre quoi ? Les plastiques pollueurs, les vitrines aguicheuses, les contrôles aux faciès, les réseaux sociaux, leurs rumeurs, et ce qui fait de nous des chômeurs ?
Ce que je sais, c'est qu'elle a parfois un goût de kebab à la sauce blanche qui salit les bouquins et dégouline sur les manches.
Casey trace sa route, recompose les sons, les mots, l'espace sur la page. Sa poésie, n'est pas à vendre.
C'QUE J'PENSE OU DIS N'EST PAS À VENDRE
SI TU CROIS QU'ÇA VA CHANGER
TU PEUX ATTENDRE (3)
Salut à elle et à tous ceux qui respectent la langue tout en la dynamisant. Je pense à Guillaume Apollinaire en 1917 et avant lui, Rimbaud et, plus tard, les surréalistes ; à Cendrars, voyez ses poèmes dénaturés ; plus tard encore, l'underground des années cinquante avec Ginsberg et son poème Howl dont les "sacrés" bousculent notre quotidien.
Poètes d'avant, d'après.
Langues éclatées, devenues anciennes à la seconde même où elles apparaissent.
Nouveaux poètes, vous serez rejetés à votre tour. Peut-être même par des dandys shootés à la guimauve. L'un d'eux écrira sur du papier toilette estampillé AB. Car telle la loi du genre : je vis, je meurs.
MA PLUME, MON DIPLÔME, UN BLÂME, UN PROBLÈME
UN SUPRÊME PROGRAMME HAUT DE GAMME QUI ENGRÈNE
QUI ENTRAÎNE DÉBRIS DE CRÂNES, DE VITRINES
CRIMES QUI SE TRAMENT, NITROGLYCÉRINE
PREMIER ALBUM, JE DÉGAINE, SORS DES ABÎMES
J'AMÈNE ŒDÈMES ET RÉTAME DES RIDDIMS
J'ÉTONNE, ON M'ACCLAME
JE DONNE MON MOT D'ORDRE ET MON MODEM
QUIDAM DES DOM SUR LE MACADAM
DES TONNES D'ULTIMATUM DANS MES THÈMES
HÉMATOMES DANS MES TOMES À L'ANTENNE ET CARTONNE LE SYSTÈME
FAIS GRAND SCHELEM POUR VICTIMES DES HLM
VU QU'PANAME EST TELLE GOTAM, TAM TAM ET COCKTAILS (4)
Je ne comprends pas tout. Est-ce dû à mon âge ? Je suis un enfant, je suis un vieil homme. Ce n'est pas qu'avec les mots qu'on saisit. Là, il y a un sens, ça vient de loin. J'entends âme dans quidam, macadam. Une force d'âme, de celles qui traversent les montagnes. Nous en avons tant besoin aujourd'hui.
Prendre le flow de Casey et se laisser emporter. Le sourire vient aussi de l'ébranlement.
André Cohen Aknin
Les textes de Casey sont tirés de la pochette de son disque "Tragédie d'une trajectoire".
(1) "Chez Moi" (Casey-Laloo).
(2) "Mourir con" (Casey / Laloo)
(3) "Pas à vendre" (Casey - Hery)
(4) "Suis ma plume". (Casey / Soul G)
• Du Maroc à l'Inde, en passant par la Russie, le Canada ou l'Afrique, de voyages en rencontres, de l'enseignement à la fréquentation des milieux littéraires et anarchistes, cet ouvrage retrace le parcours d'une femme libre, amoureuse, anti-conventionnelle, haute en couleur, qui force l'admiration par son dynamisme. Bulletin de Bourg-de-Péage
• Le rire de Josette et de Geneviève, le jour de la photo de la quatrième de couverture, est un rire de soleil. Ce n'était pas un rire bruyant, ostentatoire, mais un rire plein, plein comme un corps entier, un corps de femme, plein comme un poème, un poème-rire.
Elles riaient aux éclats, assises sur le canapé ; elles riaient d'être ensemble, de pouvoir se regarder, se parler. On aurait dit des adolescentes, même si l'une a 90 ans et l'autre presque 80. Josette est fille de menuisier ; Geneviève, fille de boulanger. Qu'ont-elles en commun ? D'être des femmes, d'être curieuses, d'avoir de l'intérêt pour les autres et une inébranlable volonté d'être libre, libre dans leur manière de penser et dans leur corps. Elles ont aussi le besoin insatiable de lire et celui d'écrire. Josette a beaucoup écrit sur ses carnets de voyage, Geneviève est écrivaine. Elles ont aussi en commun d'avoir enseigné. "Elles rient", André Cohen Aknin. extrait. Revue A Littérature Action
• On y évoque la vie d'une Romanaise, née à Châtilllon - St-Jean en 1927. Josette a épousé Robert Passas de Bourg-de-Péage.
… une femme qui portait les valeurs de la fraternité et de la liberté des anarchistes. Une femme en quête de spiritualité sans appartenir à une religion. Josette a aimé d'amour ou d'amitié des gens hors du commun. Elle se souvenait avec émotion de sa passion amoureuse pour le vieil anarchiste libertaire Alexandre Marius Jacob. Elle en témoigna sur France Culture lors d'une émission consacrée à cet "honnête cambrioleur". Laurent Thiot, L'Impartial
• J'ai admiré cette femme pour sa liberté de penser et d'être, son énergie de vie, sa confiance et son intelligence des choses de la vie. Yamina, lectrice
• Une vraie merveille, quelle aventure, quel chemin, quel rythme ! Et, parfois, quelle audace ! Tant de choses, tant de beautés, de bontés, de douceurs alimentent et nourrissent cette belle vie d’une femme d’exception ! … C’est la larme à l’œil que je referme ce livre, pardon, ce roadbook d’une vie extraordinaire, le sillage d’une vie-modèle, comme une procession de foi, une ode à la vie !
Félicitations pour cette belle écriture qui cisèle et honore admirablement cette aventure d’une vie ô combien riche, émouvante, renversante parfois, mais stimulante, séduisante. Richard, lecteur
• Je vois ce livre comme un tissage léger et presque transparent, alternant les rayures de laine fine et de soie brillante et cela, ce sont les deux écritures de Josette et Geneviève, sans que je sache laquelle est en laine et laquelle est en soie. Claudia, lectrice
• Je ne regrette qu’une chose, c’est de ne pas l’avoir connue... autrement que par cet ouvrage. Merci pour ce bel hommage à cette si belle personne. Jean-Luc, lecteur
Les enfants d'une classe de 6e au collège des Maristes en promenade au Bois des Naix à Bourg de Péage ont saisi des éclats de nature et de poésie pour écrire des haïkus.
Avec leurs enseignantes Mesdames Lemoine et Del Sarto, ils ont confectionné le papier sur lequel ils ont écrit leurs poèmes et fait une exposition.
Ils nous ont invités à leur exposition. Certains ont lu leur texte à voix haute puis ils nous ont posé des questions sur nos livres et notre écriture. Une rencontre ouverte sur le désir et le plaisir d'écrire.
Lettre d'un colporteur-liseur N°31
"Une lumière dans l'ombre" de André Cohen Aknin
Textes cités : "Une longue impatience" de Gaëlle Josse.
*
De nouveau, une lettre d’un colporteur-liseur à propos d’un roman : "Une longue impatience" de Gaëlle Josse” (1). A la lecture, j'ai ressenti la vibration d’un long poème.
Ce roman est une lumière dans l'ombre, dans la rudesse d'une vie balancée entre pauvreté et présence de la mer. Une mer immuable, sa force, sa joie presque, son attirance irrésistible. Il y a aussi l'absence qui, à la fois, nous tourmente et nous construit.
Nous sommes avec Anne qui attend son fils Louis, parti à la mer comme on part à la guerre. Pas tout à fait. Il est parti sans salut, sans banquet de classe, sans ce baiser sur la joue d'une mère.
Ce livre offre le banquet du départ en même temps que celui du prochain retour.
Louis n'a rien dit, il n'a même pas laissé de message, après que son beau-père lui a donné une tannée avec sa ceinture. Pourtant Etienne avait promis de s'occuper de lui comme si c'était son propre fils. Qui plus est, Anne n'était pas là ce jour-là, elle s'occupait de ses plus jeunes enfants.
Son fils est sur la mer, pressent-elle. Le père de cet enfant était marin. Ces choses-là n'arrivent pas par hasard.
Anne est terrassée. Elle avait connu un abandon quelques années plus tôt avec son premier mari, qui, lui aussi, était parti en mer. Il y était resté. Déclaré disparu après que l’aviation anglaise eut bombardé son bateau. Churchill ne voulait pas que les pêcheurs bretons puissent nourrir les soldats allemands.